Une nouvelle espèce d’orchidée semblable à du cristal découverte au Japon
Non, cette fleur n’est pas le travail d’un maître verrier. Cette orchidée, comme formée de milliers de microscopiques perles de verre, vient d’être décrite comme une nouvelle espèce. Elle poussait tout ce temps à la vue de tous au Japon, auprès d’une espèce parente à l’apparence très similaire avec laquelle elle a été confondue jusqu’ici. Publiée dans le Journal of Plant Research le 17 mars dernier, la découverte est le fruit de 10 ans d’études comparatives afin de déterminer les caractères distinctifs de cette orchidée.
Une orchidée à la vue de tous
La découverte d’une nouvelle espèce de plante au Japon relève d’un évènement rarissime. Largement étudiée, la flore nipponne est documentée depuis plusieurs siècles déjà et semblait complète.
Les spiranthes elles-mêmes, petites orchidées terrestres regroupant une quarantaine d’espèces à travers les continents, sont des orchidées communes et connues au Japon depuis des siècles. Si bien qu’elles sont mentionnées dans le « Manyoshu », la plus ancienne anthologie de poèmes du Japon, datée du VIIIe siècle.
Il a longtemps été admis que la seule espèce de spiranthe peuplant Honshu, la principale île de l’archipel du Japon, était le Spiranthes australis, une espèce largement distribuée dans toute l’Asie de l’Est et en Océanie. Pourtant, le professeur Kenji Suetsugu de l’université de Kobe et ses associés ont démontré que sous les yeux des Japonais, dans les parcs et pelouses publiques et jusqu’aux jardins et balcons privés, se confondaient en réalité deux espèces distinctes.
L’élément déclencheur de cette découverte a été une étude de terrain sur les différentes espèces de Spiranthes présentes sur l’archipel nippon. Lors de ses observations, le biologiste a été interpellé par la présence de populations d’une spiranthe ne possédant pas de poils sur les tiges florales. Or, le Spiranthes australis, la seule espèce connue de l’île d’Honshu, est caractérisé par une tige velue.
En regardant de plus près ces caractères distinctifs, il a également remarqué que ces populations avaient une floraison hâtive d’un mois par rapport à l’autre espèce. Ces caractéristiques, combinées à d’autres observations morphologiques détaillées, ont suggéré que ces populations aux tiges lisses étaient plausiblement une espèce oubliée des botanistes.
10 années pour confirmer la découverte
Le genre Spiranthes, qui contient une quarantaine d’espèces, est formé de petites orchidées terrestres dont les fleurs miniatures blanchâtres, rarement rosées, sont organisées en spirale autour de la hampe florale. On les trouve principalement dans les régions tempérées et tropicales de la planète, en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et également en Océanie.
Les particularités morphologiques observées sur ces populations inconnues, pouvant sembler être des détails pour un œil non averti, ont poussé le professeur universitaire et ses associés à se lancer dans une étude sur 10 ans pour déterminer précisément les caractères différents de ces populations. Il a fallu en effet corréler des études de terrain approfondies et des analyses moléculaires sur de nombreuses populations d’espèces apparentées pour affirmer que cette orchidée était bien une espèce différente de sa cousine Spiranthes australis, avec qui elle cohabitait discrètement.
Une orchidée semblable à du cristal
« Ses couleurs vibrantes ont immédiatement attiré mon attention. Je me souviens d’avoir été marqué par ses pétales roses uniques ressemblant à de la verrerie »
Kenji Suetsugu, dans un e-mail à Popular Science
Largement représentée sur l’île de Hachijō-jima, dans la préfecture de Tokyo, cette nouvelle espèce en porte ainsi le nom, baptisée Spiranthes hachijoensis. Cette petite plante herbacée de 8 à 25 cm de haut porte de mai à juin des fleurs délicates rose et blanc arrangées en spirale autour de la tige centrale. Les feuilles, disposées en rosettes autour de la tige, sont allongées.
De son nom japonais « Hachijo-neji-bana », la petite orchidée pousse dans des milieux ensoleillés aux côtés de Spiranthes australis, mais sa floraison plus précoce d’un mois et sa propension à l’autogamie (qui peut se féconder seule, ndlr) ont contribué à isoler les populations d’une éventuelle hybridation.
Comment se passe la découverte de nouvelles espèces ?
Les nouvelles espèces sont généralement découvertes lors de missions d’exploration dans des régions reculées ou peu étudiées.
Une fois qu’un nouveau spécimen est découvert, les botanistes procèdent à sa description formelle. Cela implique souvent de comparer la nouvelle espèce avec des espèces étroitement apparentées pour déterminer ses caractéristiques distinctives, telles que la morphologie, la génétique, la distribution géographique et les différences biologiques. Ces descriptions formelles sont généralement publiées dans des revues scientifiques spécialisées et permettent aux scientifiques du monde entier de comprendre et d’étudier l’espèce nouvellement découverte.
Les scientifiques peuvent également découvrir de nouvelles espèces en examinant des collections de spécimens d’herbiers ou en effectuant des analyses génétiques sur des populations, révélant parfois des surprises. Il arrive souvent que ces analyses remettent en question la parenté entre des espèces que l’on croyait proches car morphologiquement similaires, ou au contraire regroupent des populations qui semblaient trop distinctes pour appartenir au même groupe.
Une découverte importante
Cette nouvelle découverte, qui rejoint les quelques 28 000 espèces d’orchidées reconnues aujourd’hui, donne une autre facette à la découverte de nouvelles espèces.
« Découvrir une nouvelle espèce est non seulement palpitant, mais aussi important pour notre compréhension de la biodiversité et de sa conservation. La découverte de cette nouvelle espèce cachée dans des lieux communs montre l’importance d’explorer constamment, même dans les endroits semblant sans importance. Je pense que c’est une découverte qui nous rappelle qu’il y a encore un monde inconnu dans la nature que nous croisons tous les jours. »
Kenji Suetsugu, dans un e-mail à Popular Science
Bien que présente dans plusieurs localisations au Japon, cette nouvelle espèce ne forme à chaque fois de que de petites populations d’une vingtaine d’individus. Les scientifiques lui ont donc attribué le statut de conservation « vulnérable » à l’UICN, qui concerne les espèces dont moins de 1000 individus sont recensés.
L’équipe de scientifiques va continuer à étudier le Spiranthes hachijoensis sous différents aspects pour mieux comprendre sont ADN, son écologie, l’histoire de son évolution ainsi que son statut de conservation.
Sources
- Suetsugu, K., Hirota, S.K., Hayakawa, H. et al. Spiranthes hachijoensis (Orchidaceae), a new species within the S. sinensis species complex in Japan, based on morphological, phylogenetic, and ecological evidence. J Plant Res (2023). https://doi.org/10.1007/s10265-023-01448-6
- An elegant new orchid hiding in plain sight | Research at Kobe (kobe-u.ac.jp)
- This gorgeous, glassy orchid is a species of its own | Popular Science (popsci.com)
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très intéressant
Bonjour Anne-Marie,
Merci, nous avons d’autres articles similaires en prévision 🙂
Bonne journée,
Kévin Arrouet.